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Acte I, 15 mai 1945

Elle :    Chéri !

Lui :     Chérie !

E :        Toi, enfin !

L :        Mon petit !

E :        Ce que tu as dû souffrir, pendant cinq ans !

L :        Bah ! Tu sais, ça dépendait des moments !

E :        Tu me raconteras tout, dis ? Tu me diras toutes tes souffrances ? Tu m'expliqueras tout ce que tu as fait. Tu me feras connaître tous les endroits où tu as été, tous tes camarades.

L :        C'est fini tout cela, mon petit, il n'y a plus qu'à oublier. Tu verras, dans trois mois on n'y pensera plus.

E :        Oui, je te ferai tout oublier à force de tendresse. J'effacerai de ta mémoire tous ces mauvais souvenirs.

Acte II, 15 octobre 1945

Lui :     C'était bien, les vacances à Grenoble ?

Elle :    O...ui.

L :        A ce moment-là je travaillais sur les voies à Neumark.

E :        Je serais restée à Paris, tu aurais travaillé quand même.

L :        Qui c'est, le gars là, sur la photo, en short ?

E :        Un camarade. Un ami des Perrault.

L :        Il a bonne mine. Il n'a pas été gefang, celui-là.

E :        Mais si ! A Dijon, jusqu'en septembre. Il a été très malheureux.

L :        Il t'a fait du baratin ?

E :        Du ... ?

L :        Vous avez flirté ?

E :        Un peu. Tu sais ... en vacances ... Mais je lui ai dit que tu étais prisonnier !

L :        Et ça l'a arrêté ?

E :        Il te plaignait beaucoup !

L :        Mais il te faisait du plat !

E :        Et toi, tu ne faisais pas du plat aux Allemandes ?

L :        Bon ... bon ! Ça lui aurait fait du bien d'aller un peu là-bas. Ça lui aurait fait tomber le bide.

E :        Vous n'avez quand même pas souffert tant que ça ! Vous aviez des colis. On avait du mal à les faire, les colis. Tout au noir. Et vous aviez du chocolat, nous, on n'en a pas mangé, du chocolat, en France.

L :        Evidemment ! Ça faisait râler les Chleuhs. Ils râlaient, mais ils étaient là quand même.

E :        Eh bien ! Et nous, tu crois qu'on ne les voyait pas ? Leurs sales têtes partout, dans le métro, dans les magasins. Je t'assure que c'était dur, l'occupation !

Acte III, 15 mai 1946

Lui :     Un jour, à Parsberg ...

Elle :    Oui ... oui ... Je sais ... Tu as dit à un Allemand ...

L :        Non, c'est Lemaître ...

E :        ... qui était chauffeur chez Renault et à qui on a fait couper la barbe ...

L :        Tu sais qu'Auguste vient ce soir ?

E :        Dommage, je ne serai pas là. Tu sais que je vais faire un bridge chez les Leroy.

L :        Encore, chez ces types-là !

E :        Ils sont très gentils et ils m'ont beaucoup aidée pendant la guerre. Quant à ton ami Auguste, si tu ne veux pas venir avec moi, si tu veux être grossier une fois de plus, tu le recevras.

L :        C'est un copain. Il était dans ma Compagnie pendant la guerre. On couchait ensemble.

E :        Tu peux continuer ...

L :        Imbécile ! Dans le premier Kommando ...

E :        ... dans une ferme, vous mettiez vos vivres en commun. Air connu ! D'abord il est bête et grossier.

L :        C'est un ami, écoute ...

E :        Non ! Zut !

Acte IV, 15 octobre 1946

Lui :     J'en ai marre, marre, marre, de cette vie-là !

Elle :    Et moi donc !

L :        C'était le bon temps, quand j'étais là-bas !

E :        A qui le dis-tu !

L :        Salope !

E :        Voyou !

Acte V

Elle, à l'autre :              Chéri !

Lui, à l'autre :              Chérie ! ...

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